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Relocalisation de la moutarde 

Dans les années 90, les industriels bourguignons connurent un problème d’approvisionnement avec la graine de moutarde Canadienne. En effet, à cette époque les canadiens firent le choix de privilégier la culture de la moutarde blanche pour faire de l’huile délaissant la production de moutarde brune utilisée par les industriels. Ce choix contribua à diminuer la source d’approvisionnement et à augmenter le prix à la tonne de la moutarde brune. En effet, cette matière première devenant rare, le jeu de l’offre et de la demande, conduisit à cette augmentation. De plus, à cette même période les industriels firent face à des problèmes d’acheminement de la graine de moutarde canadienne transportée en cargo puis en camion en raison des grèves à répétitions des routiers français dans les années 90.  Pour faire face à ces difficultés, les industriels souhaitèrent avoir différentes sources d’approvisionnement en graines de moutarde afin d’assurer la pérennité de leur activité.

 

Le choix de la production locale de la graine de moutarde apparut comme une évidence et ils se tournèrent vers les acteurs de la filière agricole. Toutefois, la tradition de la culture de la moutarde en Bourgogne avait été oubliée et les agriculteurs bourguignons n’avaient plus ni le matériel végétal ni les connaissances pour cultiver la moutarde brune. Il a donc fallu mettre en place un programme de relance de la culture de moutarde en Bourgogne impliquant les industriels, les producteurs, les organismes stockeurs et la recherche publique. 

 

Programme de relance de la culture de moutarde en Bourgogne

 

En 1986, un enseignant chercheur de l’ENITA s’intéresse à la plante moutarde (tableau 3). Sur la base de ses travaux, une collaboration s’établit entre l’ANITA et AMORA Maille pour développer un programme de sélection de la moutarde brune. Le CETIOM  (Centre Technique Interprofessionnel des Oléagineux) fournit son soutien pour les études agronomiques.

 

1986 : Un enseignant-chercheur de l’ENITA s’intéresse à la plante de moutarde (étude de la plante)

1990 : Collaboration ENITA/AMORA MAILLE ; recrutement d’un technicien pour initier un programme de sélection sur la moutarde brune (identification et étude des caractères d’une collection de 200 lignées, fixation des lignées par autofécondations)

1991: appui du CETIOM pour les études agronomiques (essai densités x dates de semis, évaluation du potentiel de quelques lignées avec des témoins Canadiens)

1992 : début du programme de croisements à l’ENITA. Reprise des études agronomiques par la Chambre d’Agriculture de Côte d’Or (essais divers et mise en culture de 30 ha de moutarde chez 10 agriculteurs) ; Participation

1993: inscription de 2 variétés au catalogue Français par l’ENITA ; 350 ha cultivés

1995 : inscription d’une 3éme variété au catalogue

1996 : mise en place du programme de sélection « moutarde d’hiver »

2002 : inscription de la 4ème variété (1ère issue de croisement) ; 1200 ha cultivés

2004 : dépôt au CTPS de la 1ère variété issue du programme « hiver »

2006 : Inscription de la 5ème variété au catalogue ; obtention des DPU pour la culture de la moutarde

2009 : obtention de l’IGP moutarde de Bourgogne ; 3400 ha cultivés

2011 : Inscription de la 6ème variété au catalogue ; Dépôt CTPS d’une nouvelle variété de printemps; 5400 ha cultivés avec 10 variétés issues de la sélection AGROSUP

2013 : Inscription de la 7ème variété au catalogue

 

Rapidement ces travaux permirent l’inscription par le Comité technique permanent de la sélection (CTPS) de 2 variétés de moutarde au catalogue français qui permirent de relancer dès 1993 la production de graines de moutarde en Bourgogne sur 350 ha. Les travaux continuèrent et d’autres variétés furent inscrites par l’ENITA puis par AgroSup Dijon au catalogue. En parallèle la production augmenta régulièrement et la production locale permit l’obtention de l’IGP ‘moutarde de bourgogne’ en 2009, 20 ans après le début des premiers travaux de recherche.

Programme de selection de variétés de moutarde en Bourgogne

 

Le programme de sélection a consisté à améliorer le matériel biologique afin d’améliorer les performances de la culture de la graine de moutarde en Bourgogne. Les premiers objectifs recherchés par le programme de sélection étaient d’améliorer :

- le rendement en graines : principale critère de compétitivité de la culture de la moutarde par rapport aux autres cultures oléagineuses (mesure du poids de mille grains).

- la hauteur de la plante : la moutarde étant une espèce haute, la sélection de variétés avec des tiges courtes facilitent la gestion de la culture.

- la résistance à la verse : la moutarde étant une plante haute elle est susceptible à la verse qui peut entraîner des pertes de rendement.

 

Après avoir atteint ces premiers objectifs agronomiques, le programme de sélection a considéré des paramètres concernant la qualité de la graine de moutarde tels que :

- la teneur en sinigrine: ce composé donnant le piquant de la moutarde il est important de l’avoir en bonne quantité.

- la teneur en huile : la teneur en huile dans la moutarde est un critère de qualité de la pâte de moutarde.

- la couleur de l’amende: critère important pour assurer la couleur jaune caractéristique de la moutarde de Dijon.

- la teneur en protéines: les protéines permettent la bonne tenue de la pâte.

 

Dernièrement, les objectifs du programme de sélection génétique se sont orientés vers la sélection de variété adaptée au froid de manière à obtenir une variété d’hiver adaptée au climat Bourguignon. En effet, les variétés actuellement utilisées sont des variétés de printemps qui sont conduites comme des variétés d’hiver. Elles sont donc sensibles au gel et parfois, selon les conditions météorologiques, les cultures de moutarde peuvent être ravagées par le gel entraînant des pertes de rendement considérables.

 

Le programme de sélection génétique consiste à fabriquer une variété de moutarde hivernale résistante au froid. Ce travail mené par Marine Chasseray (Welience Agro-Environnement) sous la direction de Pr Sylvain Jeandroz (AgroSup Dijon) consiste à croiser la moutarde brune avec une variété hivernale de colza, afin d’introduire les caractéristiques de résistance au froid du colza dans la moutarde. Les premiers résultats qu’elle a obtenus sont très encourageants semblant indiquer que les gènes de résistance au froid du colza sont bien présents dans la moutarde et qu’en conséquence la moutarde résiste mieux au froid. Il faudra encore quelques années de travail à Marine Chasseray pour aboutir à la création de cette variété hivernale de moutarde attendue par tous les producteurs bourguignons.

Une relocalisation réussie de la production de la graine de moutarde en Bourgogne

 

Lorsque les agriculteurs et les industriels du secteur décident dans les années 1990 de réimplanter la culture des graines de moutarde dans la région, il n’y avait plus aucun savoir faire et il fallait entièrement reconstruire la filière. L’ensemble des acteurs de la filière allant des agriculteurs (Chambre d’Agriculture, organisme stockeur (Dijon Céréales)) aux industriels (Amora-Maille (Unilever), Société Européenne des Condiments, Reine de Dijon, Moutarderie Fallot) et impliquant la recherche publique (AgroSup Dijon et l’INRA) se mobilisa autour d’un programme de relance de la culture de la graine de moutarde soutenu par les collectivités territoriales (Conseil Régional de Bourgogne et Conseil Général de la Côte d’Or) et l’état français (France AgriMer). Grâce à cette mobilisation, les surfaces cultivées en Côte d’Or pour la production de graines de moutarde ont rapidement augmenté passant de zéro à environ 2000 ha sur la période allant de 1991 à 2007. Puis en 2008, suite à la fermeture de la sucrerie d’Aiserey des terres cultivées avec la betterave sucrière devinrent disponibles. Les agriculteurs choisirent de convertir leur terre à la production graines de moutarde et ainsi la production à rapidement augmentée atteignant maintenant environ 6000 ha par an. Cette augmentation de la production de la graine de moutarde s’est accompagnée de l’augmentation du nombre de producteurs qui atteint maintenant un peu moins de 300 producteurs !

 

Ces agriculteurs, essentiellement localisés en Côte d’Or, obtiennent un rendement de 15 à 20 quintaux par hectare par an selon les conditions climatiques. La production annuelle de graines de moutarde est maintenant comprise entre 6 000 et 8 000 tonnes. Le prix à la tonne de la graine de moutarde est stable avoisinant 1000 €. La production de la graine de moutarde en Bourgogne représente un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros par an avant transformation. La valeur générée par la production de graines de moutarde a vraiment augmenté passant de 1,5 à 7,0 millions d’euros suite à la fermeture de la sucrerie d’Aiserey et à la conversion des terres agricoles cultivées avec la betterave à sucres en terres agricoles pour la production de la graine de moutardes.

Aujourd’hui, la Bourgogne est la seule région de France produisant la graine de moutarde et 87 % de cette production est réalisée en Côte d’Or dans la région Dijonnaise. La production bourguignonne représente environ 30% des besoins des industriels produisant la moutarde de Dijon et la moutarde de Bourgogne. Cet approvisionnement local permet aux industriels de communiquer sur la provenance locale de la graine de moutarde comme un gage de qualité sur ce produit connu mondialement. Il leur permet également de varier leurs sources d’approvisionnement et de limiter leur dépendance vis-à-vis des producteurs canadiens de graines de moutarde. Par ailleurs, cette production locale limite le bilan carbone des industriels de la moutarde. Elle a permis aux membres de l’AMB d’obtenir le 24 novembre 2009 le label d’Indication Géographique Protégée (IGP) ‘Moutarde de Bourgogne’ (voir encadré sur l’AMB). Ce certificat de qualité délivré par la commission européenne certifie que les principaux ingrédients de  la moutarde (graines de moutarde et vin blanc) sont produits et transformés en Bourgogne. Sur l’ensemble des exploitants impliqués dans la production de la graine de moutarde 27 bénéficiaient du label IGP en 2011.

 

Fort de cette réussite la Bourgogne est la deuxième région française en fabrication de condiments, grâce à sa position de leader dans la production de la moutarde. La filière condimentaire comptait en 2011, 516 salariés soit environ 5% de l’effectif agroalimentaire régional (Agreste). Même si le site emblématique d’Amora a fermé à Dijon en 2011, la production de la pâte de moutarde reste tout même réalisée dans la région Dijonnaise sur le site de Chevigny-Saint-Sauveur. Ainsi l’usine Amora-Maille de Chevigny-Saint-Sauveur a produit 90 000 tonnes de moutarde par an ! 

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